10 avril 2019

 

Une flottille israélo-germanique de microsatellites pour scanner les nuages

 
Si les satellites ont permis de considérablement augmenter la précision des prévisions météorologique grâce, notamment, au suivi permanent des formations nuageuses, il manquait encore une vue en 3D révélant les courants qui se produisent en leur sein. Cette lacune sera bientôt comblée.

Une équipe israélo-germanique de chercheurs dirigée par les professeurs Yoav Schechner (Viterbi Faculty of Electrical Engineering, Technion, Haifa, Israël), Ilan Koren (Earth and Planetary Sciences Department, Institut Weizmann, Rehovot, Israël) et Klaus Schilling (Center for Telematics, Würzburg, Allemagne) a mis au point un procédé de télédétection utilisant des algorithmes de tomodensitométrie inspirés de la médecine, permettant de modéliser avec une précision non encore atteinte les mouvements de notre atmosphère.

Cette nouvelle méthode reposera sur l'utilisation de dix microsatellites de la taille d'une boîte à chaussures, qui devraient être placés en orbite terrestre dans quelques années, et qui permettront de combler les lacunes dans notre compréhension des nuages et de leur rôle en climatologie. Directement inspirés de la technique médicale de la tomodensitométrie, qui permet d'observer et de cartographier de façon non invasive l'intérieur d'un corps grâce à un scanner, les scientifiques ont conçu un système qui révélera des images détaillées des structures et des propriétés 3D (externes et internes) des nuages. En examinant de petits champs nuageux qui échappent généralement aux technologies actuelles, ce nouveau moyen d'investigation pourra résoudre certaines incertitudes majeures qui limitent la modélisation atmosphérique et les prévisions climatiques actuelles.
 

 

 
Représentation d'un ensemble de microsatellites examinant une formation nuageuse selon le projet CloudCT. Extrait de la vidéo de présentation dont le lien figure en bas de l'article.
 

Car en effet, dans l'évaluation des propriétés des nuages pris individuellement, même de petites erreurs peuvent conduire à des incertitudes majeures dans les prévisions climatiques, alors que ceux-ci jouent un rôle clé dans le bilan énergétique de la Terre et de son cycle de l'eau.

Les satellites météorologiques actuels étudient les grandes structures nuageuses, mais manquent de la précision nécessaire pour observer individuellement de petits nuages. Ceux-ci, bien que petits par leur taille, modèrent le climat, mais peuvent aussi être très sensibles à l'évolution du climat, et c'est pourquoi il est absolument capital de les mesurer et de les modéliser correctement afin de mieux comprendre leur nature et leur interaction avec les conditions environnementales changeantes.

"Ce projet nous donnera l'occasion de voir et de mesurer les nuages comme jamais auparavant", a déclaré le professeur Ilan Koren, chercheur, spécialiste de la physique des nuages et de la pluie de l'institut Weizmann des sciences de Rehovot (Israël).

Un scanner pour la Terre

L'idée que l'on peut se faire d'un scanner entourant notre planète est parfaitement correcte, car cette technologie a été directement inspirée de l'imagerie médicale en 3D telle qu'elle nous est maintenant familière. Par analogie, les images seront obtenues simultanément depuis de nombreuses directions autour des nuages, un exploit qui sera rendu possible par une formation en réseau auto-organisée de plusieurs satellites, très petits et très agiles. Le contrôle de précision, requis par le système multi-satellite (chaque satellite pesant environ trois kilogrammes) afin de réaliser cette imagerie complexe pose toutefois des problèmes de miniaturisation, de coordination et de capacités de réaction autonomes.

"Contrairement aux laboratoires isolés des hôpitaus terrestres, la Terre est irradiée par l’éclairage du Soleil, qui ne peut pas être déplacé, allumé ou éteint. Nos algorithmes d'analyse d'images doivent prendre en compte cette réalité et s'appuyer sur la diffusion de la lumière, ce qui nous met au défi", a déclaré le professeur Yoav Schechner, expert en vision par ordinateur et en tomographie par ordinateur du Technion - Institut de technologie israélien de Haïfa (Israël).

Les systèmes de satellites distribués en réseau, développés pour CloudCT, sont un exemple de la manière dont un logiciel innovant compense les problèmes engendrés par la miniaturisation. Cela permet à un tel système ultraminiaturisé de mettre en œuvre efficacement un système d’auto-organisation et de nouvelles approches d’observation, permettant de réaliser des avancées scientifiques.

Les trois chercheurs ont récemment remporté un prix du Conseil européen de la recherche d'un montant de 14 millions d'euros leur permettant de mener à bien leur projet, et sont actuellement occupés à construire leur équipe et élaborer les détails de leur programme. De nombreux aspects de CloudCT restent à tester avant le lancement, y compris une pré-mission de trois satellites précurseurs.

"Nous pouvons déjà affirmer que CloudCT est à l’avant-garde des nouveaux concepts d’observation de la Terre et du développement d’algorithmes sophistiqués d’imagerie informatique", ajoute Yoav Schechner.

Jean Etienne

Sources principales :

The secret life of clouds revealed in new Israeli research. Israel21c, 9 avril 2019.
CT for Clouds: A Fleet of Micro-Satellites Will See into the Smallest Clouds. Israël Institute for Technology, 18 décembre 2018.

Le projet CloudCT sur YouTube. 

 

 
De gauche à droite, les professeurs Ilan Koren, Yoav Schechner et Klaus Schilling. Crédit : CloudCT.
 

 

 
 
 

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