8 janvier 2016

 

Pendant deux semaines, un trou noir aurait pu être observé au moyen d'un télescope d'amateur

 
Durant deux semaines à partir du 15 juin 2015, le trou noir V404 Cygni était visible par instants au moyen d'un simple télescope d'amateur, pourvu que son diamètre soit au moins égal à 20 centimètres.

V404 Cygni est un trou noir d'environ 9 masses solaires situé à 7.800 années-lumière dans la constellation du Cygne. Il est accompagné d'une étoile compagnon, et restait inactif depuis 1989. Il s'est soudain réveillé le 15 juin 2015, lorsque son étoile satellite s'en est rapprochée au cours de son orbite, franchissant une distance critique aussi appelée "limite d'Eddington". Le trou noir a ainsi "décapé" la surface de l'étoile, avant que l'ensemble ne s'effondre dans une émission apocalyptique de radiations. Et ainsi, pour la première fois, les astronomes ont pu observer la lumière produite par cet événement au moyen de simples télescopes optiques.

D'abord détecté par le télescope spatial Swift de la NASA, l’évènement a été ensuite suivi par les chercheurs japonais qui ont ensuite demandé aux scientifiques de 26 pays de pointer leurs télescopes optiques sur V404 Cygni.

Une première qui fera date

Selon Mariko Kimura, astronome et principal chercheur de l’Université de Kyoto (Japon), il s'agissait de la première fois où des phénomènes physiques se manifestant dans le voisinage immédiat d'un trou noir se révélaient au moyen de télescopes optiques, et même modestes, plutôt qu'en faisant appel à des instruments beaucoup plus complexes à rayons gamma ou infrarouges.

En réalité, rien ne peut s'échapper d'un trou noir, ce qui inclut aussi la radiation lumineuse. Mais lors de l'absorption massive de gaz, de poussières ou d'une étoile entière, un disque d'accrétion peut apparaître à proximité de l'horizon des évènements, nom donné à la limite au-delà de laquelle le point de non-retour est atteint. Ces disques d'accrétion peuvent émettre des flux de plasma appelés jets relativistes, dont les particules peuvent traverser une galaxie entière à une température avoisinant les 10 millions de degrés.

Cette température infernale peut alors provoquer des émissions lumineuses extrêmement puissantes au niveau du disque d'accrétion, et ce sont ces "flashes" de lumière visible, dont la durée était de quelque 100 secondes à 2,5 heures, que l'équipe de Kimura a observés durant deux semaines en provenance de V404 Cygni. Certains d'entre eux étaient tellement brillants qu'ils auraient sans peine pu être visibles au moyen d'un simple télescope d'amateur de 20 centimètres.

Dans sa publication dans la revue Nature, l'équipe de Mariko Kimura suggère que la puissante émission en rayonnement X provenant du centre du disque d'accrétion ont irradié et réchauffé la partie externe du disque, provoquant l'émission de rayonnement dans le domaine visible. Une hypothèse qui reste à confirmer, cependant notre compréhension des trous noirs pourrait progresser si de nouveaux moyens d'observation s'ajoutent à ceux que l'on possède déjà. La lumière visible, qui semblait jusqu'ici écartée, est l'un d'entre eux.

Quel astronome amateur aura la chance de graver son nom au panthéon des observateurs les plus célèbres pour avoir été le premier à capturer l'image d'un trou noir ?

Jean Etienne

Source principale :


Repetitive patterns in rapid optical variations in the nearby black-hole binary V404 Cygni (Nature 529, 54–58 (7 janvier 2016) doi : 10.1038/nature16452).

 

 

 
Image du trou noir V404 Cygni (annoté en rouge) durant une de ses émissions lumineuses. Cyg A est une radiogalaxie, 3A 1954+319 un pulsar. Crédit: Michael Richmond / Rochester Institute of Technology
 
 
 
 

 
Position de V404 Cygni dans la constellation du Cygne.
 
 
 

 
Image du trou noir V404 Cygni durant une de ses émissions lumineuses (agrandissement). Crédit: Michael Richmond / Rochester Institute of Technology
 
 

 

 
 
 

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