7 avril 2016

 

SKYLAB : la preuve par neuf  (partie 1 de 4)

 
La mission Skylab fut incontestablement un des grands succès de l'époque qui vit pour la première fois l'Homme atterrir sur la Lune. Mais paradoxalement, le plus grand enseignement de cette mission provint de ses échecs, et de la façon dont ceux-ci ont pu être résolus alors qu'ils auraient dû logiquement entraîner la perte de la grande station orbitale. Skylab et ses neuf astronautes nous auront démontré l'importance, sinon la nécessité, de la présence humaine dans un projet d'envergure. La preuve par neuf.
 
A la fin des années 1960, lorsque le premier Américain posa le pied sur notre satellite naturel, il apparut clairement que si les Soviétiques ne les avaient pas devancés, c'était parce qu'ils étaient alors engagés dans une autre voie. Et en effet, l'avenir devait bientôt donner raison aux observateurs, l'URSS amorçant dès 1969 une série de missions au moyen de vaisseaux Soyouz qui effectuèrent de nombreux rendez-vous et arrimages en orbite terrestre, en préliminaire au lancement d'une grande station spatiale modulaire.

C'est ainsi que les Américains élaborèrent les plans de ce qui allait devenir Skylab, vaste station où trois équipages de trois astronautes pourraient travailler à leur aise durant plusieurs mois.

Skylab a été construit au départ du troisième étage S-IV-B d'une fusée lunaire Saturne 5, en remplaçant le réservoir d'hydrogène du troisième étage, jadis utilisé pour les vols lunaires, par une vaste zone d'habitation à deux niveaux pour trois hommes. La partie inférieure contenait un carré, des alcôves de repos et des cabinets de toilettes, avec des WC conçus pour fonctionner en apesanteur. En haut, se trouvait un vaste atelier où les contrôles des instruments scientifiques étaient regroupés. En fait, le volume total de la station Skylab, avec le vaisseau de liaison Apollo arrimé, représentait le volume d'une maison de deux chambres.
 
 
 
La station Skylab, telle que prévue au lancement.
 
L'énergie électrique était fournie à bord de Skylab par les plus grands panneaux solaires jamais conçus pour un vaisseau spatial. Les "ailes", qui faisaient presque 730 m² de surface, étaient destinées chacune à fournir 10.500 watts lorsque le laboratoire était dans la partie éclairée de l'orbite. Des accumulateurs au cadmium-nickel en absorbaient une partie, qu'ils restituaient soit durant la phase nocturne de l'orbite, soit lorsqu'un besoin accru d'énergie se faisait sentir. Un système de régulation d'énergie maintenait la distribution du courant électrique à 4.000 watts, sous 28 volts cc. Quatre autres panneaux solaires, plus petits et indépendants, alimentaient en électricité les instruments d'un observatoire astronomique qui se trouvait entre Skylab et le module Apollo de ravitaillement, surnommé "observatoire du Mont Apollo".

De la nourriture, de l'eau et des vêtements étaient prévus en quantité suffisante pour les trois équipages qui devraient se relayer à bord de Skylab, et avaient été entreposés avant le lancement dans des containers spéciaux. En fait, la station avait été conçue à l'opposé des anciens vaisseaux du genre Mercury, Gemini ou Apollo, où des astronautes devaient vivre dans des quartiers étriqués en se contentant de nourritures sans goût et sans intérêt. Skylab leur offrait ainsi certains conforts du commun des mortels. Il y avait 368 m³ d'espace dans lesquels on pouvait se déplacer et travailler. L'isolement était possible. Il y avait de l'eau pour prendre occasionnellement une douche et pour d'autres besoins d'hygiène personnelle. Skylab contenait 907 kg de nourriture emmagasinée dans 11 containers et 5 congélateurs. Les aliments se présentaient sous la forme surgelée, déshydratée ou sèche, et pouvait être soit réchauffée, soit rafraîchie dans les quartiers de l'équipage. La "table" du coin à manger, en fait un support destiné à arrimer automatiquement les ustensiles qui y seraient "déposés", était dressée sous le seul hublot de la station; ainsi, les astronautes pourraient manger en ayant vue sur notre planète...
 
 
 
Skylab juchée sur son immense lanceur, la Saturne 5. Crédit Nasa.
 
Les vêtements étaient rangés dans des "modules d'habillement", enfermés dans des armoires du carré. On ne lavait rien à bord, et lorsqu'un astronaute se changeait, il glissait ses vêtements sales dans une "case à ordures", un réservoir à carburant vide situé sous le plancher de la pièce d'habitation.

Les réserves comprenaient, entre autres: 60 vestes, 60 shorts, 60 pantalons de rechange, 30 vêtements d'usage constant, 15 paires de bottes, 15 paires de gants et 210 paires de caleçons. Il y avait aussi des vêtements supplémentaires dans des "modules d'imprévus". Mais le grand luxe était le cabinet de toilettes. Dans ses armoires, étaient entassés 55 savonnettes, 95 kg de serviettes et 18.000 sacs à urine et à matière fécale. Ce cabinet de toilette était cependant, et surtout un véritable laboratoire médical, où tous les paramètres des astronautes étaient étudiés tout au long de la mission. Les expériences médicales effectuées à bord de Skylab au moyen d'un appareillage spécialement conçu, accroissaient la connaissance de l'homme, de ses rapports avec l'environnement terrestre et de ses facultés d'adaptation à l'environnement spatial. Les chercheurs s'intéressaient en premier chef à l'identification des mécanismes précis qui modifient la chimie du corps humain en l'absence de gravité terrestre. Parmi les objectifs prioritaires de Skylab, on trouvait aussi de nombreux programmes de recherches concernant l'étude et l'observation de la Terre et des ressources terrestres, ainsi que du Soleil.

5... 4... 3... 2... 1... GO !

Le 14 mai 1973, une fusée Saturne 5 décolla du Centre Spatial Kennedy, emportant la grande station Skylab, sans équipage. Il s'agissait du onzième (et dernier) lancement de cette fusée géante, pesant plus de 3.000 tonnes au départ, ses cinq moteurs engloutissant 16 tonnes de carburant par seconde. Tous les paramètres de vol furent "nominaux", et la mise sur orbite circulaire, à 435 km de la surface terrestre, s'accomplit parfaitement.

Ce n'est qu'à ce moment-là que les contrôleurs au sol s'aperçurent qu'à bord de la station, quelque chose allait vraiment mal.

A suivre...

Jean Etienne

Partie 1 sur 4
Partie 2 sur 4

Partie 3 sur 4
Partie 4 sur 4

 

 
 
Décollage de Skylab. Crédit Nasa.
 
 
Le réservoir d'hydrogène du troisième étage, utilisé uniquement lors des missions lunaires, en cours de transformation pour réaliser l'atelier orbital de Skylab. Crédit Nasa.
 
 
Le même, vu de l'intérieur. Crédit Nasa.
 

 

 
 
 

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